J'ai la chance d'habiter dans une
petite ville, à proximité de l'usine Citroën de Rennes La Janais. Dans
mon village, il y a plusieurs retraités qui ont travaillé à Rennes, et
qui ont commencé leur carrière chez Citroën à Paris. Claude est un ami
que je connais depuis longtemps, je lui ai demandé de me donner des
anecdoctes concernant notre voiture préférée. Claude était un
technicien, mais il n'a jamais eu de DS, les voitures, ce n'était pas
son truc, il a eu plusieurs 2CV, ami6 et autres GS. J'ai essayé de
transcrire le plus fidèlement possible son témoignage, avec son accent
inimitable de vieux Titi parisien. MOTEUR....... |
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Bonjour
Claude, peux tu te présenter,
J'ai 79 ans, je suis rentré chez Citroën en 2 fois, La première fois je
suis rentré en 1947 aux "prototypes" à Grenelle,,,,
-Aux prototypes à grenelle ? Les voitures ?
-Non, ce n'était pas des voitures, c'était un atelier où il y avait des
"préparateurs", moi j'étais ouvrier, pour concevoir des charriots par
exemple, ou d'autre objets nécessaires au fonctionnement d'une usine
comme Javel.
Après mon armée, je suis revenu chez Citroën fin 53 à l'entretien rue
Lecourbe. J'ai été ensuite rapidement muté à Javel en "entretien
maintenance", au poste n°1. Je faisais donc de l'entretien partout,
c'était le poste de "tout Citroën Paris". On allait à Gutenberg/St
Charles, Montlhéry où il y avait la piste, les essais, à l'opéra, il y
avait un magasin de vente à l'opéra! Quant les chiottes étaient
bouchées (rires), on amenait le tuyauteur... En revanche je ne suis
jamais allé à la Ferté Vidame. J'ai fait toute ma carrière dans
ce domaine. On entretenait tout, de la cuvette des WC au convoyeur
aérien, en passant par les tuyaux d'air comprimés, etc... Je
connaissais Pierre Bercot....
- tu connaissais le PDG de Citroën ?
- Oui, bien sur, je faisais aussi de l'entretien dans son bureau. Il y
avait dans son bureau un fauteuil avec du cannage, et une fois il a
passé le cul au travers! (rires) La secrétaire: "Monsieur C...,
venez vite, j'ai besoin de vous" (re-rires) J'ai amené le fauteuil chez
un tapissier pour refaire le cannage. Tu vois, je faisais n'importe
quelles taches. D'ailleurs, la secrétaire je la connaissais très bien,
je ne me rappelle plus de son nom....... A ce moment là j'étais au
poste 1 et c'était la traction qui était fabriquée, avec le type H. Il
y avait 2 chaines de montage. |
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- Tu faisais donc de
l'entretien à Javel, et il y a un moment où tu as du entendre parler
d'une nouvelle voiture qui allait être lancée ?
-On se doutait qu'il y avait quelque chose de nouveau, de
révolutionnaire, car depuis quelques temps déjà on sortait la traction
avec la suspension oléo-pneumatique à l'arrière. Et puis se fut les
branle bas de combat, "ILS" ont parlés de la DS, la DS tout le monde en
parlait, personne ne la voyait, on ne la connaissait pas!
- est ce que vous l'appeliez la DS, ou la VGD, ou autres choses ?
- On l'a tout de suite appelé la DS, tous les véhicules qu'on sort ont
une lettre en nom de code. Le projet H est devenu le HY, le projet D
est devenu la DS, le projet G le GS etc...
- Donc on est fin 54, début 55, tu en entends parler, mais l'as tu vu ?
- Oui j'en entends parler, et je l'ai vu avant beaucoup d'autres. Étant
en maintenance, je m'occupais des tôliers, des serruriers, j'avais
aussi quelques mécanos.... Avec le chef d'équipe des gardiens qui
"m'avait vachement à la bonne!", parce que je le dépannais, il me dit
"viens voir", je crois que c'était le bâtiment H, il y avait des
tentures partout...
Je lui montre une photo prise "à
la dérobée" d'une des premières DS...
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Ah oui, c'est ça, on voit les bâches, quand ils ouvraient les portes,
ils foutaient les bâches...
- Ils appellent ça le bocal... |
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Oui c'est ça, le bocal, le bocal secret. Il se trouvait dans le
bâtiment H. Je me rappelle de ça parce qu'il était quasiment impossible
de s'en approcher. Donc j'ai vu cette bagnole là et c'était un choc! Ce
qui m'a étonné en premier, c'est l'écrou central des roues! Le levier
de vitesses au dessus du volant, et puis il n'y avait pas
d'encadrements!!! (de fenêtres) C'était un merdier les
encadrements, pour toutes les bagnoles c'est un merdier et bien là, il
n'y en avait pas! Il y avait des joints nouveaux, tout était nouveau!
Ils avaient fait un atelier spécial pour les pavillons. Ils étaient en
plastique, j'avais un copain, Roger Humbert, qui était détaché aux
plastiques et qui me disait "viens me donner un coup de main". Il
faisait tout l'entretien de cet atelier des pavillons. D'ailleurs
c'était dégueulasse, tu travaillais dans une atmosphère de poussière,
c'était plein de laine de verre en suspension! Tu avais des grosses
presses chauffantes, chauffées à la vapeur, il y avait un moule
inférieur de la forme du pavillon, la machine coupait et mettait des
grandes feuilles de laine de verre et le moule se refermait. la machine
injectait un gel, ça chauffait et ça donnait un pavillon. Il était
brut, il était ensuite ébavuré. Et il fallait poncer pour avoir un
aspect lisse. Sur les ID, par la suite, c'était brut. Ils étaient
drôlement costauds, tu ne pouvais pas les casser. Ceux qui étaient à
balancer, à cafuter on dit, ils étaient obligés de les percer pour
pas qu'on les monte sur chaine, tellement ils étaient costauds!
Pour les éléments de carrosserie, ça allait, c'était simple à faire, en
revanche, le capot on avait jamais fait! Vu la longueur du capot, il
fallait l'armer, il était en aluminium. C'était fait sur un carrousel
qui tournait. Il y avait des soudeurs spécialisé car c'était de l'alu,
C'était fait au ferrage F, le problème c'était surtout la taille du
capot. Je me rappelle aussi qu'au début de la fabrication de la DS,
c'était le bordel, tous les jours il y avait des modifs, ce que tu
faisais un jour n'était plus bon le lendemain, il y avait pleins de DS
qui manquaient de pièces, elles n'étaient pas terminés. Il fallait
crocher dedans, à ce moment là, ça ne marchait pas bien, les DS!
J'avais des copains qui étaient "metteur au point", on leur filait une
traction, et ils allaient dépanner à Montpellier, de Javel !, ensuite
ils allaient à un autre endroit, ils connaissaient la DS par cœur! Je
me rappelle d'un contremaitre de fabrication, sur la chaine de deuxième
finition, il s'appelait Barbesange le pauvre, il avait pété les
plombs. Il est monté sur le toit des bagnoles qui étaient en
instance de finition, et il gueulait "la cadence, la cadence, la
cadence...." c'était au début, au moment où c'était le gros bordel! Il
y a eu des gentils messieurs en blouse blanche qui sont venus le
chercher (rires). Il a fallut faire des transformations
dans l'usine. Je me rappelle avoir vu dans un bâtiment des fours, ils
appelaient ça des fours MTM! Ils passaient dans ces fours des circuits
hydrauliques assemblés, sur des gabarits, c'était des tuyaux assemblés
entre eux avec un anneau en brasure d'argent aux intersections. Ils
mettaient ça dans les fours et ils avaient des faisceaux hydraulique
assemblés ! Je me souviens aussi au début, on avait des problèmes dans
le tunnel de bondérisation. C'était un endroit avec plusieurs bain où
l'on trempait les coques de DS pour les nettoyer, les dégraisser,
etc...avant peinture. Il fallait souvent aller à la pèche, car des
éléments se décrochaient souvent. On retirait des portes, des ailes
avec des crochets... |
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Je lui montre
quelques photos de Javel, Claude se rappelle du cheminement des DS....
ça, c'est la chaine unique, le début de la chaine. A l'étage,
tu avais les éléments séparés, ils arrivaient de la chaine de peinture,
sur cette chaine unique qu'on appelai "première finition", on
assemblait tous les éléments qui se fixaient sur le châssis. Ensuite
elles descendaient vers le rez de chaussée pour rejoindre une autre
chaine qu'on appelait "deuxième finition". Je me souviens d'une fois,
la chaine est tombé en panne! Oh! le branle bas de combat! Quand on dit
que c'était une chaine, c'est qu'il y avait une vraie chaine chaine
dessous, c'était d'une simplicité! et les maillons étaient énormes! Dis
donc, ça tombe en panne, on a jamais pu trouver la panne! Les
ingénieurs, ils ont pris des mesures à gauche à droite, c'était
toujours en panne, ça durait. On a été obligé de tout démonter, virer
les DS qui étaient dessus, virer tout ce qu'il y avait autour et on a
tout démonté! Je ne me rappelle plus de la date, mais ça c'est passé un
jeudi. La chaine faisait plusieurs centaines de mètres de long, les
maillon étant très lourds, on démontait la chaine sur 2/3 mètres, et on
roulait les morceaux de chaine. Un gars tout seul ne pouvait pas y
arriver, on était à plusieurs par morceau! On a tout nettoyé. Tu
avais des types qui passaient au bain les morceaux de chaines, d'autre
qui meulaient les maillons au lapidaire, d'autres qui étaient sur le
chemin de roulement, c'était des fers en U, ils fallait qu'ils le
polissent, il fallait qu'il soit nickel! On savait même pas si ça
allait remarcher avec tout ce qu'on faisait! On a tout remonté, et puis
c'est reparti! On a jamais su ce qui c'était passé!
Le problème nouveau qui c'est présenté, c'est qu'il y avait
plusieurs couleurs. Avant, il y avait le noir pour la traction, mais
là, il y avait plusieurs couleurs. Il a fallu créer un système pour
toutes ces teintes, on appelait ça "le circulating"! (regroupement de
différents éléments de même couleur qui étaient affectées vers un
châssis). Il y avait 2 chaines parallèles, une pour la traction
et l'autre pour la DS, elles n'ont jamais été mélangées. Quand il y a
eu l'ID, ils ont arrêté la traction. |
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J'ai
quité Javel en décembre 68, après les grèves de mai 69
- c'était dur les grèves de 68 ?
- Ho la la ! on avait jamais vu ça chez Citroën ! Moi qui avait connu
les grèves de 47 à Grenelle, qui était déjà dures, mais là, on nous
amenait en camion...j'étais agent de maitrise, je suis passé agent de
maitrise en 64......avec les gars......(rires). Tiens, d'ailleurs en 64
, comme je venais de passer chef d'équipe, en fin d'année ça devait
être la distribution des prix, enfin, une petite prime que Citroën nous
attribuait en fin d'année, et bien cette année là: queudal! on a rien
eu, personne n'a rien eu à cause de cette foutue bagnole qui n'est
jamais sortie (le projet F),tout était commandé pour cette voiture, des
milliards! Il n' y avait plus de sous dans les caisses, alors que la
voiture était terminée! Mais il y a des ingénieurs qui sont partis chez
Renault, et qui ont fait la R 16 avec les plans! Les patrons avaient
convoqué tout le monde, messieurs, cette année, il n'y aura rien.....
(rires)-En 69 j'ai été muté dans les fonderies à Clichy. Là, j'ai vu la
fabrication des blocs moteurs de DS. A Clichy, il y avait la fonte
"auto" pour les anciens véhicules et la fonte "malléable" pour les
blocs de DS. Tout était automatique. Tu avais les cubilots qui faisait
de la fonte, 6 tonnes par heure, il y en avait 2. Après ça allait en
convertisseur, ensuite c'était trimbalé dans des poches de coulée, qui
étaient déversé dans des "marie-jeanne". qui étaient vidées dans les
moules. Tu avais des sableries, c'était formidable à voir! Ils
faisaient tout en sable, c'était minutieux, au millimètre près. Les
moules intérieurs et extérieurs était assemblés, tout était
automatique, tu avais des grandes louches qui prenaient la fonte en
fusion dans les "marie-jeanne" et qui les déversaient dans les moules.
C'était des carrousels, il fallait attendre que ça refroidisse. Quand
c'était refroidi, ça passait au "décochage", c'était des grosses
bécanes qui remuaient les blocs moteurs, le sable étant redevenu
friable, la machine en remuant les blocs chassait le sable qui restait
à l'intérieur. Le sable tombait en dessous au sous sol, sur des grands
tapis roulants, il était ensuite convoyé vers son point de départ ,
puis on refaisait des moules avec. Les blocs moteur bruts allaient à
Saint Charles (je lui dit que c'était peut-être Gutenberg, il rie en me
disant qu'entre les 2 il y avait une rue qui les séparait! |
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Je suis resté à Clichy jusqu'en 70,
puis je suis allé à Rennes, à la Janais. On fabriquait la GS, pour moi,
c'était terminé la DS .
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La DS, c'était une bagnole
curieuse quand même! |
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