Parmi nos fantasmes en matière de DS break, on peut sans se tromper dire que le fantasme n° 1 concerne l'existence de DS break "injection", 21 et 23. On peut répondre sans prendre de risques que Citroën en a sûrement fabriqué, en commande spéciale évidemment, car je l'affirme, Citroën n'a jamais fabriqué de DS break injection en série.
Certes, on connait tous quelqu'un qui de près ou de loin, va vous affirmer qu'il en connait une, une vraie de préférence ! Si on cherche un peu sur mon site, il y en a quelques uns, qui sont des versions à carburateur à l'origine. J'ai entendu parlé d'un "vrai break 23 injection" du côté de Montreuil, personnellement, je n'ai vu qu'une bâche sur un break, avec interdiction d'y toucher.
Un jour, alors qu'il faisait nuit, je reçois un mail de Emanuele, un amateur italien qui a fait l'acquisition d'un break 23 injection, d'origine selon ses propos et orange d'origine ! Je reste incrédule, de toute façon, Citroën n'a jamais fabriqué de DS break orange, je le sais, c'est marqué dans Citrowagon.fr. Lorsque j'ai reçu les photos, j'ai tout de suite compris qu'il s'agissait d'un véhicule de la DDE (direction départementale de l'équipement), sûrement un break normal repeint en orange.
Et bien allons voir cette prétendue DS 23 injection break.
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Voici la DS telle qu'elle est arrivée chez Emanuele. On devine que le capot a été changé. Il n'y a pas de "petit chat noir" sur le bas des ailes arrières, elle a été peut-être repeinte au cours de sa carrière. Tout est orange sauf la béquille de hayon.
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Aujourd'hui (2019), Emanuele a entièrement démonté cette DS break, en vue d'une restauration "en profondeur". Cela a permis de constater qu'il n'y a pas un seul morceau de tôle qui ne soit pas orange, tout, absolument tout (sauf la tôle au dessus du réservoir et la béquille de hayon), a été peint en orange dès sa fabrication à Javel. La pastille de couleur porte le code AC 315, c'est une teinte originale du nuancier Citroën. Elle est apparue en 1966 sous le doux nom de "orange ponts et chaussées". Cette teinte est restée au catalogue jusqu'en 1978, on la trouvait aussi sur des HY, des 2CV fourgonnette, j'en oublie peut-être, tous ces véhicules appartenant à notre chère administration des ponts et chaussées, renommée ensuite DDE.

En mai 1968, Citroën lance sa nouvelle voiture de "jeunes dans le vent", la Méhari. Il faut des couleurs gaies, et ce orange n'est pas mal du tout ! Et voila cette teinte orange de l'administration AC 315, bombardée couleur du plaisir sous le doux nom d' "Orange Kirghize" AC 315, petit peuple au loin à l'ouest de la chine. Ça sent bon le petit pétard ! Mais je m'égare, je m'égare, la méhari sera disponible dans cette teinte du millésime 70 à 87.
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Emanuele a eu l'agréable surprise de découvrir des sièges en skaï "targa tabac", en très bon état à l'avant, et . . . neufs à l'arrière ! 


Cette DS break possède des sièges séparés à l'avant, une banquette arrière 3/5 2/5, des panneaux intérieurs de porte sans accoudoir et une tôle de commerciale dans le coffre, ce n'est pas une DS break en finition "commerciale", c'est une "ambulance". En fait, c'est une version "clinique", l'équivalent de nos "VSL" actuels !
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C'est le deuxième break 23 que je vois équipé d'origine de la climatisation. Sur les DS "non pallas" équipées de la climatisation, on constate que les divers caches et garnitures de console de clim sont recouverts d'une moquette grise. Il y a même la petite baguette "pallas" de finition au dessus de la console centrale, c'est d'origine. Emanuele me signale que la climatisation ne fonctionne plus, le compresseur a été démonté, un deuxième alternateur (en 24 V) a été monté à la place. La planche de bord a reçu un "massacre à la tronçonneuse" à droite pour y insérer un équipement électronique. Il n'existait plus au moment de son achat.
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Le pare-chocs a disparu, peut-être est ce lié à la remorque attelé à la DS. On distingue un gros trou rond dans le hayon inférieur, est ce pour passer des câbles électriques, des tuyaux ? Un essui-glace arrière a été ajouté, il y avait peut-être un opérateur à l'arrière de cette DS. Emanuele m'a indiqué que cette DS a toujours eu une remorque spéciale qui mesurait les pentes et le niveau d'asphalte sur les routes et les pistes d'aéroport.
A quoi correspond le chiffre 26 ?
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Dans le compartiment moteur, on découvre ce moteur injection, équipé d'une boite 5. L'alternateur d'origine a été installé à la place du compresseur, l'alternateur 24V est à la place de l'alternateur d'origine. Je me suis évidemment précipité sur la photo du n° de série, y a t'il un n° de série spécial ? En fait non, le n° suit la séquence des n° de série des DS 23 break 1974 ! Il est dès lors très difficile de repérer un break injection sur les mains courantes de Javel ! Vous remarquerez que la frappe à froid est spéciale, il n'y a marqué que "DS-FF" et pas de n° de série ! Ce n'est pas exceptionnel, sur mon break 21 USA de 69 il était frappé "ID 21 F" et c'est tout !
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Aujourd'hui (2019), Emanuele a commencé une restauration en profondeur de cette DS break, elle est maintenant entièrement démontée, souhaitons lui bonne chance pour sa restauration qui demandera certainement beaucoup d'heures de travail. Il lui manque la tôle de coffre de type "commerciale", que je vais me faire un plaisir de lui offrir.
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C'est une DS 23 break très intéressante, très originale, mais ce n'est pas avec des photos que je vais accréditer la thèse de l’existence d'un break injection fabriqué par Citroën. Pour certifier l'authenticité de cette DS, j'ai évidemment demandé à Emanuele une preuve, genre "certificat du conservatoire Citroën". Il m'a envoyé un copie de mauvaise qualité de la facture. Il l'a reçu en petite taille "informatique".
Je lis cette copie de facture . . . mon cœur s'est arrêté ! (après un infarctus, faut que je fasse gaffe !), Mesdames Messieurs, j'ai l'honneur de vous présenter le premier SCOOP CITROWAGON de l'année 2019, une DS 23 injection électronique break, en finition ambulance, de 1974. Décryptons ensemble cette facture.
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Commençons par le nom du client:
 "Ministère de l'équipement", cette DS est donc attribuée dès l'origine à la DDE.
"concessionnaire : GA":
groupement administratif, le break a été acheté par les groupement administratif de la DDE.
Le n° de commande "00FF3858" est conforme à la plaque du n° de série.
"Désignation: Ambulance 23 confort" cela confirme la finition ambulance de cette DS. En fait, je suppose que la DDE voulait une DS break "commerciale" avec le gros moteur (23), mais les 23 "commerciales" n'ont vécu qu'au seul millésime 73 ! Citroën a du proposer sa version "clinique", qui se rapproche de la commerciale. Ce qui est bizarre, c'est que la 20 "commerciale" est toujours au catalogue, donc toujours produite avec ses pièces spécifiques.
Concernant la couleur, nous avons le code "PC" pour les lettres C et P, cela veut dire une teinte (orange) Ponts et Chaussées pour la caisse et le toit ! Voila pourquoi le moindre morceau de tôle est orange ! Le code "TA" pour la lettre I signifie que la couleur des garnitures intérieures est "tabac" (marron clair).
Nous avons le code 9 pour le tarif, je pense que c'est le code réservé aux DS commandées par l'administration.
Et voici le plus intéressant, les divers équipements, c'est ce qui va donner toute sa valeur à cette DS.
"Garnissage targa" , les sièges en skaï marron sont donc d'origine "targa tabac". 
C'est gratuit car en série sur les DS breaks.
"Phares à iode directionnels à commande dynamique", c'est gratuit car en série sur les breaks 23.
"Moteur injection" voila 2 petits mots magiques qui résonnent encore dans ma tête ! Voila la première preuve mondiale prouvant l'existence officielle des DS break équipées d'un moteur injection. Ce qui est paradoxal, il n'y a pas de montant "hors taxe" pour ce montage, ou peut-être ce chiffre énigmatique de 2619fr (ht), en chiffre manuscrit en dessous.
"Sortie Javel" : cette voiture a été livrée directement à l'usine pour la modique somme de 75 francs. C'est rayé, y aurait'il eu un contrordre ?
"Pare brise teinté triplex", cette DS a en option un pare-brise feuilleté vert, ce n'est pas facturé !
"climatiseur 2", cette DS reçoit la climatisation pour la somme de 1746 francs HT. Pourquoi le code 2 ? J’émets une hypothèse, certaines DS américaines étaient "pré-équipées" de la climatisation, dossier traité dans cet article. Serait ce libellé "climatiseur 1" ?
Il a été rajouté à la main "peinture orange 207 fr ", je reconnais là le côté mesquin des Michelin, un sou est un sou, si on peut facturer en plus une couleur qui ne coûte rien à Citroën, c'est toujours ça de gagné ! N'oublions pas que cette même peinture est gratuite sur les méharis !
On remarque, imprimé discrètement au tampon, des "frais de mise à disposition" de 100fr !
A quoi correspondent les sommes de 2619fr citée plus haut et 132fr ?
Cela nous fait un total de 30437,33 francs TTC pour cette DS break exceptionnelle ! A comparer aux 28096 francs TTC d'une DS 23 ambulance de base pour le millésime 74.
Voici l'acte officiel de la mise à mort administrative de cette DS. Il provient du service des domaines, organisme chargé de vendre les biens de l'état. On apprend que cette DS a été mise en circulation le 21 janvier 1974. Elle a été vendue en l'état le 12 février 1990 dans le lot n° 126.
Le lot n° 126 ? Mais que pouvait contenir le lot n° 126, en plus de cette DS ?
Voici la note "référence n° 2 AC 72" traitant les remorques LPC. Cette remorque possède des appareils de mesure du coefficient de frottement longitudinal des routes et pistes d'aviation, elle est utilisé à des vitesses comprises entre 40 et 140 km/h ! On comprend mieux pourquoi la DDE voulait une DS break avec un moteur plus puissant, la remorque pèse 120kg, et la procédure d’auscultation de la chaussée bloque, à des moments voulus, la roue de la remorque pendant 2 secondes ! S'agit'il de notre DS sur cette photo ? La voiture vient de la région de Bordeaux, le service des domaines est celui de la région "sud-ouest", quid des autres grandes régions de France. Est ce un modèle unique, basé à Bordeaux, qui passerait de DDE régionales en DDE régionales ?
J'ai demandé à Emanuele un agrandissement de meilleure qualité de cette note.
Voici une autre note référencée n° 1 AC 72 traitant aussi les remorques LPC. Cette fois-ci elles sont en couple et mesurent la régularité du profil de la chaussée. Il y a une DS break en véhicule tracteur, est ce la même ?


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Un grand merci à Emanuele pour nous avoir fait partager ces documents exceptionnels et rendez-vous bientôt pour un reportage sur la restauration de cette rarissime DS break.
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Du nouveau sur cette DS break (février 2019)
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Après la diffusion de cet article, j'ai reçu de nombreuses réactions. Je m'y attendais ! Parmi ces mails, j'ai reçu des infos extrêmement intéressantes.
Grace à la complicité d'un lecteur de Citrowagon de la région de Bordeaux, j'ai obtenu les coordonnées de l'acheteur de ce fameux lot n° 126. Il s'appelle Dominique, c'est lui qui a vendu ce break injection à Emanuele. Une interview s'imposait.
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Citrowagon: "Bonjour Dominique, quelle aventure ! Comment avez vous pu vous procurer cette incroyable DS ? "

Dominique "Bonjour Georges. Je vais essayer de vous " éclairer " en fonction de ce que je sais. Pour ce qui est du lot N° 126 il n'y avait que la DS 23 en question et rien d'autre. Je l'ai achetée en 1990. Pour ce qui est de l'utilisation je ne m'en suis servi que sur 50 kms pour l'emmener chez moi à la campagne. Comme elle roulait très bien , j'ai un peu appuyé sur l'accélérateur et le capot avant s'est ouvert, d'où le capot bleu ! Je  pensais fortement la restaurer je l'ai gardée jusqu'en 2013 . . . en l'état. En fait j'ai eu d'autres préoccupations , d'autres voitures et je me suis " dégonflé " devant le travail à effectuer ! Donc elle est partie chez Emanuele à Venise, depuis je n'avais aucunes nouvelles mais j'ai gardé ses coordonnées. Je le recontacterai plus tard pour savoir où il en est dans sa restauration qui à n'en pas douter devrait être parfaite . . .
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 . . . Je reviens sur le Break qui a été commandé par les services du Groupement administratif d'où GA. Il a été livré entièrement dans sa livrée Orange Ponts et Chaussées puisque il était destiné au Laboratoire Régional de Bordeaux où je travaillai à l'époque, le Centre d’études Techniques de l' Équipement devenu depuis le CEREMA. ( . . . )  Cette voiture servait à effectuer des mesures d'adhérence de chaussées par temps sec et par temps de pluie, la voiture avait à la place des sièges arrières une cuve de 500 litres remplie d'eau et qui était soufflée en marche à grande vitesse ( d’où la puissance du moteur Injection supérieur au 23 carbu d'origine ). Ceci explique aussi l'état NEUF des sièges arrières n'ayant jamais été montés sur le véhicule et que j'ai récupérés sous emballage dans le garage de la DS 23. Donc de l'eau en pression projetée par le tube rond que l'on aperçoit sur les photos sortait derrière la voiture et sous la roue de la remorque qui a disparu et que je n'ai pas pu récupérer, tout comme le tableau de bord et toute l'Instrumentation sophistiquée informatiquement et scientifiquement que le responsable de ce véhicule n'a jamais voulu me donner et même me le vendre , je lui avais proposé de l'acheter. . .
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 . . . Ces mesures effectuées à grande vitesse sur routes droites et sur pistes étaient enregistrées et analysées précieusement afin d'obtenir des mesures d’adhérence sur tous les types de chaussées existantes et ce dans Toute la France, à ma connaissance il devait exister un autre Break DS dans la région lyonnaise ou un autre Laboratoire des Ponts et Chaussées en France...??? Le chiffre 26 à l' arrière gauche est le numéro du véhicule dans le parc des véhicules ( très nombreux et très variés ) du Laboratoire des Ponts et Chaussées de Bordeaux. L'essuie glace arrière était pour faciliter la vue sur la remorque pendant les essais à grande vitesse. L'alternateur 24 volts servait pour alimenter la forte demande en électricité pendant les prises de mesures, projection d'eau , gyrophares sur le toit et sur la remorque, alimentation des appareils de mesure embarqués. Si je me souviens bien le véhicule a totalisé 230000 kms avant sa mise Hors service il a consommé trois moteurs et aussi 2 ou trois boites de vitesses ,la dernière ne totalisant que 25000 kms environ ( j'ai fourni à Emanuelle les fiches d'entretien du véhicule de 0 à 230000 kms ) si autre chose me revient,  je continuerai à vous les communiquer. . .
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 . . . Je suis à la retraite depuis l'année 2000 donc ça commence à dater...!! comme moi ! A ma connaissance également il a existé un Break DS 23 Injection ayant appartenu au Roi de Belgique, je pense en avoir entendu parler à l'époque, donc il n'y aurait effectivement existé que trois Breaks DS 23 Injection, normalement et surtout  si je le retrouve ( car j'ai déménagé plusieurs fois depuis ) je possède l'original de tout le dossier de mon Break DS 23."
CW: Dans "La DS, le grand livre", Olivier de serre mentionne l’existence de 3 DS 21 injection break pour le millésime 71.
Dominique : "J'espère avoir apporté un peu " d'historique pour complément d'informations " et avoir répondu à vos interrogations. Mes Cordiales Salutations."
CW: Merci pour ces précieuses informations, elle permettent d'en savoir un peu plus sur ce véhicule exceptionnel. Espérons que vous retrouviez un jour le dossier original de cette DS 23 injection break.

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Dominique parle de 3 DS 23 injection break. Il parle de celle du roi des belges et de celle d'Emanuele. La troisième est facile à trouver, elle se trouve sur le site du Docteur Danche.
Il est clair que ce n'est visiblement pas la même que celle d'Emanuele ! L'intérieur est en jersey caramel, le trou dans le hayon est ovale, et pas rond. L'aile avant gauche et arrière droite ne sont visiblement pas les mêmes que celles d'Emanuele. Il n'y a pas les mêmes cabochons de feux arrière, etc . . . Où peut elle se cacher ?
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Parmi les mails reçu, il y a aussi le témoignage intéressant de Pascal, fidèle lecteur de Citrowagon, qui a un ami, retraité de la DDE. Il m'écrit ceci :" Bonjour Georges. J'ai eu un retour de mon ami retraité de la DDE. Il connaissait effectivement ces 2 DS break sans connaître leurs caractéristiques. Ces véhicules étaient attribués à des laboratoires centraux des Ponts et Chaussées. Il ne pense pas qu'il y en avait plus de 2 vu que seulement 2 laboratoires centraux faisaient ces mesures. CW: Il doit s'agir du centre de Bordeaux et Lyon. En revanche, il m'a précisé qu'avant ces 2 DS 23 break, il avait existé une ID 19 break équipée d'un surpresseur afin d'atteindre les fameux 140 km/h. Il m'a d'ailleurs envoyé un rapport pdf dans lequel il est fait mention de cette ID 19 break, pages 13 et 14 ( . . . ) J'ai lu les caractéristiques du véhicule et ils sont surprenants, tu le liras. Je ne t'en dis pas plus. Pour mon ami, c'est Citroën qui a fabriqué de A à Z ce véhicule sur les recommandations du Laboratoire Central, vu que personne ne connaissait mieux les suspensions hydrauliques que Citroën. Je te souhaite une bonne lecture. A bientôt. pascal."
Effectivement, ce document est très intéressant, il permet de découvrir le véhicule existant avant les breaks 23 injection, et c'est une DS break, évidemment ! Si vous voulez le consulter, voici le lien.
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Je conclurai cet article et précisant que je suis fier d'apporter modestement ma pierre à la restauration de cette DS break si singulière. Emanuele m'avait contacté pour me montrer la restauration de cette DS break. Il m'a demandé par la même occasion, des renseignements pour se procurer certaines pièces manquantes à son puzzle. Je suis heureux de lui offrir cette tôle de DS commerciale, qui reprendra sa place. On imagine aisément que Emanuele n'a pas l'intention de remettre une cuve de 500 litres dans le coffre. IL y aura donc un peu de Citrowagon dans ce break.